Inventaires

Petit clin d’oeil à ma copine Do et à sa robe de 1954…

inventaires afficheInventaires -Philippe Mynyana – mise en scène de Robert Cantarella – avec Judith Magre, Florence Giogetti, Edith Scob et Robert Cantarella

J’avais dis que je vous reparlerai d’une pièce de théâtre à voir absolument. Par hasard je suis tombée lundi dernier    sur France Inter sur une émission qui parlait de cette pièce (« Ouvert la nuit » 28 janvier après 21h). La magnifique et très drôle Judith Magre était l’invitée et je vous engage à l’écouter parler d’Inventaires ici .

Inventaires a été créée il y a 26 ans avec Judith Magre, Florence Giogetti et Edith Scob, et ce sont ces mêmes actrices qui reprennent leur rôle après toutes ces années.

J’ai eu la chance de voir cette pièce en début de saison, en tout début de reprise, et comment vous dire le bonheur que la salle a éprouvé ! Comment vous dire aussi le bonheur palpable que ces actrices avaient à se retrouver ? La complicité entre elles est réelle et les petits loupés, les petits trous de mémoire étaient rattrapés avec brio et tendresse, avec aussi beaucoup d’humour.

Incroyable ce qu’on peut rire pendant ce spectacle, et pourtant il n’y a pas de quoi !

Trois femme participent à un jeu où elles doivent parler d’un objet qui a compté dans leur vie.

Jacqueline a apporté une cuvette, Angèle sa robe de 1954 et Barbara un lampadaire. Ces objets les ont accompagnées durant leur vie, pas toujours facile, et c’est ce qu’elle vont nous raconter à leur manière, toujours avec émotion. Ce qu’elles donnent à entendre est parfois terrible. Jacqueline se donne des airs de femme qui prend la vie à la légère, mais on sent sent bien sa colère d’avoir raté sa vie. Pareil pour Angèle qui aura souffert toute sa vie de manque de reconnaissance.

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La parole leur est donnée par un animateur, Robert Cantarella lui-même ce jour-là, qui va les interrompre souvent, les brusquer, elles qui n’ont jamais été dans la lumière et qui une fois lancées, ne peuvent plus arrêter le flot de paroles et vont faire sortir tout ce qu’elles ont sur le cœur et en    mémoire.

Le jeu est cruel, la parole doit passer de plus en plus rapidement de l’une à l’autre, le rythme s’accélère, elles sont bousculées, et elles partent, hébétées, un peu frustrées, avec leur objet, mais nous laissant dépositaires des traces de leurs vies .

La reprise de 2012 met les personnages en scène dans un cadre de jeu télévisé, comme dans une émission de télé-réalité (Minyana était visionnaire en 1987, non ?).

L’animateur manipule ces femmes simples, il les exhibe comme des animaux de foire. Cruel, je vous disais, .. comme le sont ces émissions qui se repaissent de la misère des gens simples, émissions souvent menées avec férocité par un monsieur bien peu loyal.

Heureusement que l’humour est toujours présent, dans le texte et dans le jeu des actrices, et qu’il permet au spectateur de rire et d’évacuer ainsi le trop plein d’émotion et le malaise ressenti devant ces terribles confessions.

Barbara : On a acheté cette cochonnerie mon époux et moi aux Galeries Lafayette et cette cochonnerie    c’est le témoin numéro un de ma déconfiture j’étais plus intelligente que lui il ouvrait le dictionnaire et il me disait ce mot là ça veut dire quoi ? C’étaient des mots compliqués je ne les connaissais pas il disait : tu vois bien que tu es bête…

Jacqueline : Bonsoir je ne me suis jamais séparée de cette cuvette c’est là que j’ai craché mes poumons et ma vie a changé pourquoi j’ai craché là plutôt qu’ailleurs aux cabinets ou dans l’évier parce que c’est ma cuvette préférée j’y lavais mes légumes une pleine cuvette de sang en pleine nuit en janvier 1957 du jour au lendemain ça n’a plus été comme avant.   

Angèle : Maman je me dis toujours que c’est moi qui l’ai tuée elle avait les nerfs malades et pas toute sa tête alors je vais la voir un dimanche et je lui dis bêtement : ma petite maman qu’est-ce qu’on a déconné toutes les deux on n’a pas su s’aimer et elle elle se met à pleurer et son menton qui se met à trembler et son pauvre nez qui coulait et moi je continuais je ne pouvais plus m’arrêter je lui disais qu’elle nous avait gâché la vie à mes sœurs et à moi .

Philippe Minyana avait écrit ces trois rôles pour ces comédiennes il y a 26 ans et après les avoir vues sur scène, je n’imagine plus voir Jacqueline, Angèle et Barbara sous d’autres traits.

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PHILIPPE MINYANA Ecrivain, comédien et directeur d’acteurs, il a écrit depuis 1980 une trentaine de pièces, principalement pour le théâtre,    D’une œuvre à l’autre, chaque fois différemment, Philippe Minyana ne cesse de questionner l’écriture dramatique sur ses possibilités de dire le réel. Utilisant un matériau réel (faits divers,    interviews), l’auteur a toujours donné la parole aux gens ordinaires, éprouvés par la vie intime, sociale ou politique. Très sensible et perméable au monde qui l’entoure, il a parfois pressenti    l’apparition de phénomènes sociaux comme le reality show (Inventaires) ou traité de sujets tabous comme l’inceste (Chambres).

1ère participation au challenge En scène ! lancé en 2012 par Bladelor et repris cette année par Eimelle .

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