Un Barrage contre le Pacifique – Marguerite Duras
Difficile d’écrire sur ce roman. Parce qu’il n’est pas aisé d’avouer qu’on n’aime pas quand il s’agit d’un écrivain reconnu et qui fait référence dans la littérature française. « Est-ce que je vais aimer ? », c’est une question qui m’a traversée pendant toute ma lecture.
En fait, j’avais déjà approché Duras il y a très longtemps avec ses derniers romans, et j’avais osé dire à une fan absolue et intransigeante , que Duras aurait dû arrêter d’écrire des romans et se dédier uniquement à l’écriture de scénario, puisque ce que je venais de lire en était pour moi plus proche que du roman tel que j’avais l’habitude de lire – style très dépouillé, phrases parfois faites d’un mot, sans verbe, personnages pas caractérisés, pas de description. .Bref, j’étais passé pour une inculte, et en plus j’étais ressortie en ayant l’impression d’avoir commis un crime de lèse-majesté !
Vous comprenez pourquoi Un Barrage contre le Pacifique a séjourné des années sur une étagère – je ne sais d’ailleurs pas par quel hasard il s’est retrouvé là. Le voir attendre aussi dans la PAL de Vilvirt m’a donné des ailes, et allez hop ! Je me suis lancée, avec appréhension, mais je me suis lancée.
Je connaissais l’histoire, bien sûr.
En Indochine, dans les années 20, une mère et ses deux enfants Joseph, 20 ans et Suzanne, 16 ans, vivent une vie de misère après le décès du père. La mère autrefois institutrice a bien essayé de donner des cours puis elle a travaillé comme pianiste dans un cinéma (l’Eden cinéma). Elle a fait quelques économies qu’elle a totalement investies dans une concession qui ne sera jamais cultivable. Les employés du cadastre auxquels elle n’a pas donné de dessous de table lui ont octroyé une terre chaque année inondée par les eaux du Pacifique. Rien ne pousse, seule la misère s’installe. C’est l’histoire de la lutte de cette mère pour faire sortir quelque chose de cette terre.
Les illusions de la famille se perdent à chaque récolte avortée. Le désespoir s’installe et l’issue ne peut être que tragique. C’est l’histoire de l’échec de la colonisation qui entraîne la destruction d’une famille.
Si la mère s’entête à entretenir la concession, les enfants n’ont qu’une idée en tête, partir. Oui mais comment ?
Joseph n’a aucune éducation, il est violent et passe ses nerfs à la chasse dans la forêt, comme pour éviter d’user de son arme sur ses semblables. Il traficote, passe son temps à réparer une vieille voiture.
Suzanne, elle, attend au bord de la piste, seul lien avec la ville, qu’une voiture s’arrête et l’emmène. Peu importe qui sera au volant. Elle rêve. Mais quand il y en a, les voitures ne font que passer.
Un jour, la famille fait la rencontre de Monsieur Jo, fils d’un homme riche. Sa voiture avec chauffeur et le diamant qu’il porte au doigt le rendent des plus intéressant pour le trio. La mère se met en tête de marier sa fille avec Monsieur Jo, et son obsession va jusqu’à presque lui faire prostituer Suzanne. La mère et ses deux enfants usent et abusent de l’attraction que Suzanne exerce sur Monsieur Jo. Il apporte des robes et du maquillage à Suzanne, un nouveau phono pour Joseph. Suzanne va même jusqu’à lui laisser regarder son corps dans la salle-de-bains pour obtenir d’autres faveurs. Les conversations tournent continuellement autour de l’argent, du coût du diamant qu’il finit par offrir à la jeune fille sans pourtant rien demander en échange. Monsieur Jo se fait berner et le sait. La mère tente désespérément de vendre le diamant pour éponger ses dettes, mais le diamant a un défaut , un « crapaud ». Il est invendable et finit par cristalliser toutes les rancœurs des personnages.
La mère sombre peu à peu dans une sorte de folie, sa santé chancelle. Devant l’impossibilité d’améliorer sa situation, elle finit par accepter que son fils parte, ce fils qu’elle aime tant, d’ailleurs au détriment de Suzanne – la jeune fille est souvent soumise à la colère et aux coups de la mère.
La misère altère tout : les relations que la mère devrait avoir avec ses enfants, le rapport des deux jeunes vis-à-vis du monde extérieur. Le monde est pourri, l’administration coloniale est corrompue. Rien ne fonctionne comme il était prévu quand la mère est arrivée dans ce pays. Elle va de désillusion en désillusion. Elle finira par renoncer et n’aura dans son acharnement pas permis à ses enfants de se préparer à affronter le monde.
On ne sait pas vraiment ce que devient Joseph, quant à Suzanne, après le départ de son frère tant aimé, elle finit par se donner à un homme qui ne l’attire que par sa vague ressemblance avec Joseph.
Finalement il m’est difficile de dire si j’ai aimé ou pas cette lecture. J’avoue être restée un peu à l’écart de ces personnages qui n’expriment quasiment rien, si ce n’est de l’indifférence ou de la haine, à défaut de pouvoir dire l’amour. Surtout Suzanne, elle semble subir, la folie et les crises de sa mère, celles de son frère, elle semble ne rien ressentir.
Je pense que cette lecture n’est pas tombée au bon moment. En ce moment j’ai l’esprit un peu lent, il me faut des choses légères. J’y reviendrai sans doute, plus tard.
Pardon aux fans de Duras, j’espère cette fois-ci n’avoir blessé personne.
J’espère que Vilvirt a été plus enthousiaste que moi. Billet aussi de Nathalie (Chez Mark et Marcel)